Quos legent hosce versus maturè censunto

dixit Nostradamus

~ lectio difficilior ~

in Logodaedalia


© Dr. Lucien de Luca
Octobre 2004

« L'écriture, la parole, l'entendement, la pensée : tout n'est que traduction,
et traductions de traductions, certaines seulement meilleures que d'autres,
mais toutes encore des approximations. »





On trouve dans les Prophéties de Michel de Nostredame une seule strophe en latin (dans toutes les éditions 1568) ; on sait qu'elle a été composée – avec quelques variantes – sur le modèle trouvé dans le dernier chapitre des Commentarii de Honesta Disciplina, une oeuvre de Petrus Crinitus publiée en 1504, plusieurs fois rééditée :


NOSTRADAMUS (1568)

  Legis cantio contra ineptos criticos.
  Quos legent hosce versus maturè censunto
  Profanum vulgus, & inscium ne attrestato :
  Omnesq; Astrologi Blenni, Barbari procul sunto :
  Qui aliter facit, is ritè, sacer esto.


 

CRINITUS (1504)

   Legis cautio contra ineptos criticos :
  « Quoi legent hosce libros mature censunto,
   Profanum volgus et inscium ne attrectato ;
   Omnesque legulei, blenni, barbari procul sunto.
   Qui aliter faxit, is rite sacer esto
. »


Le texte présenté ici, inséré dans l'incroyable charabia dyslexique des Prophéties – apparement francophone et curieusement φονολογικος – comporte, comme dans tous les textes du même auteur, des ambiguïtés syntaxiques et deux bizarreries déroutantes [1], qu'il faudrait étudier de près, bien plus que cela n'a été fait jusqu'à présent. Pour être aussi précis que possible, on devra nécessairement s'appuyer sur quelques rappels de grammaire latine, accompagnés de commentaires psycholinguistiques, là où cela sera indispensable.



1. Analyse lexicale :

legis : (génitif féminin singulier de lex) motion ou projet de loi, ordonnance, loi, règle, précepte, contrat ;
cantio : (nominatif féminin) chant, charme, incantation [2] (dérivé de cano, canere, chanter des vers, prédire, prophétiser) ;

canto, dérivé de cano est un verbe de la langue augurale et magique, ce qui explique les sens de "prédire, prophétiser, incantation, enchanteur", ainsi trouve-t-on incanto dans la loi des XII Tables : qui malum carmen incantassit (Ernoult & Meillet) ;
cautio : (nominatif féminin) précaution, avertissement, de caveo, se garantir contre ; legis cautio : motion de censure ;
contra
: (préposition suivie de l'accusatif) contre, en face de : envers, à l'égard, à rebours, au contraire ;
ineptos : (adjectif, accusatif masculin pluriel de ineptus) maladroits, sots, impertinents ;
criticos : (accusatif masculin pluriel de criticus, i) critiques, juges ;
quoi : (forme archaïque de cui, pronom relatif, datif singulier de qui, quae, quod) à qui, pour qui, à quoi, auquel ;
quos : (accusatif masculin pluriel de qui) que ;
legent : 3ème personne pluriel indicatif futur actif (de lego, is, legere, lire, cueillir, recueillir, choisir) ; 3ème personne pluriel subjonctif présent actif (de lego, legare, léguer, déléguer, laisser par testament, envoyer en ambassade, recommander, mandater, députer) ;
Legere signifiait (à l'origine) ramasser, cueillir, choisir. L'évolution dans le sens de "lire" se serait faite par le moyen d'expressions telles que legere oculis "assembler (les lettres) par les yeux", ou scriptum legere "recueillir comme étant écrit, trouver écrit", ou senatum legere "faire l'appel des sénateurs", et finalement "lire à haute voix", voire "déclarer" (Ernoult & Meillet).

Legare est proprement le dénominatif de lex (contrat, convention, loi, religieuse ou écrite), signifiant confier, donner mandat, charger quelqu'un d'annoncer, faire savoir (Ernoult & Meillet) ;
hosce : (cf. hos, accusatif masculin pluriel de hic) ceux, ces ; avec -ce, particule enclitique post-posée, pléonastique : ceux-ci, ceux-là ;
versus : (nominatif et accusatif masculin pluriel) sillons, vers, tours, lignes retournées (de verto, tourner, faire tourner, retourner, changer, transformer, traduire) ;
• Appliqué à l'écriture, le mot versus tire son origine de la façon dont étaient écrites les lignes dans les inscriptions archaïques grecques ou étrusques, dites en boustrophédon (de βοῦς, boeuf, et στροφάς, qui se meut en tournant), c'est-à-dire écrites alternativement de gauche à droite, puis de droite à gauche, à la manière de sillons tracés dans un champ labouré. Appliqué à la poésie, versus connaît un synonyme dans carmen, issu du verbe canere, chanter [3]. Le mot versus est passé dans la langue française pour désigner une opposition, une dualité, comme verso par rapport à recto.
libros : (accusatif masculin pluriel de liber) livres ;
maturè : (adverbe, de maturus, hatif, précoce, mûr, mûri, parfait, au bon moment, au moment opportun, à l'heure favorable ; maturitas : plein développement, perfection) en son temps, à propos, à point, parfaitement, promptement, prématurement [2] ;
censunto : impératif futur, 3ème personne du pluriel, paraissant formé sur la fin de sum et le début de censeo (estimer, évaluer, juger, conseiller, ordonner, déclarer, exprimer un avis dans les formes prescrites). L'emploi de l'impératif futur est rare en latin (et inexistant en français), et il indique un ordre à exécuter au futur, principalement dans le domaine juridique ou proverbial ;
Censeo appartient aux verbes latins du deuxième groupe : indicatif présent censeo, parfait censui, infinitif censere, supin censum. Normalement, l'impératif futur dans la forme active de ce verbe se décline censento à la 3ème personne du pluriel. D'où vient le u de censunto ? Coquille typographique chez Crinitus, licence poétique chez Nostredame ? Rien n'est totalement prouvé, mais différents éléments orienteraient vers une solution :

• Une forme médievale de censeo : censuo est rapporté dans le Thesaurus Linguae Latinae ; dans ce cas on pourrait admettre l'impératif censunto ;

• En latin, il n'existe pas de forme passive pour les verbes actifs à l'impératif futur, mais les formes périphrastiques ne sont pas exclues ; on observe ainsi un participe parfait passif censi + sunt [4], ce qui permettrait d'imaginer censi + sunto sur le modèle de descriptum esto (Cicéron, de Legibus, II, 29) ;
Le participe parfait passif singulier, obtenu en remplaçant la terminasion -um du supin censum (= pour évaluer) par les terminaisons -us, -a, -um, se décline sur le modèle de l'adjectif bonus, bona, bonum ; et suit les règles de l'adjectif. Au masculin pluriel, le participe parfait passif fait donc censi (ayant été déclarés) ;
• Sur ce modèle de conjugaison périphrastique, un fantaisiste pourrait alors inventer un impératif futur passif pluriel (accordé ici avec un nominatif masculin : qu'ils soient...) : censi sunto, syncopé en censunto, pour ressembler de près à un prosunto (de prosum, prodesse : être utile) ou à un absunto (de absum, abesse : être éloigné) ;
Or, on observe bien censunto dans le premier vers de cet épigramme, et on pourrait penser raisonnablement que l'auteur a retenu – occasion offerte d'enrichir doublement la rime avec procul sunto – une forme ostensiblement passive : ainsi dans censunto on remarque principalement la copule sunto nécessaire à la composition d'une forme périphrastique passive, et accessoirement (pour être aussi parfait que possible...) le u de toutes les formes du parfait de censeo comme censui ; l'impératif futur censunto se traduirait alors : qu'ils soient [un jour futur] [ayant été] évalués.
Il ne faut pas voir dans cette composition créative l'oeuvre d'un grammairien respectant scrupuleusement des règles académiques, mais plutôt l'oeuvre d'un auteur en délire poétique, rompu aux créations les plus bizarres, créations poétiques impossibles sans violation permanente des codes du langage (Cohen, 1966), voire même l'oeuvre d'un auteur souffrant d'une affection neuro-psychiatrique (Mayeux, 1980, Bell, 1990, Schachter, 1993, Babinet, 1991, Dissez, 1997). Mais là où un maître de la vieille école, se jurant de rééduquer tous les gauchers sans exception, ne verrait devant censunto qu'une monstrueuse faute d'orthographe, le clinicien se doutera d'une arythmie lexicale, conjuguant systole et syncope. Alors pourquoi refuser à Nostredame, collectionneur invétéré de tropes les plus hétéroclites, un insolite censunto appris chez Crinitus, alors que plus un seul lettré n'oserait aujourd'hui corriger Plaute avec ses certumst et nimiost (pour certum est, nimio est) ou Lucien de Samosate avec les bizarreries de son Lexiphane ? On peut encore savoir que Nostredame avait particulièrement remarqué un auteur – « Lucillius poête Grec, qui estoit un grand mocqueur d'un chacun, peu discrepant du maling Archiloque » – dans le Proeme de son Vray et parfait embellissement de la face, où il a copieusement insisté sur sa façon de mal parler, ou de farder la face des mots.

Censunto – si ce mot n'est pas la contraction de censi sunto – se rapprocherait encore de cette catégorie lexicale qu'on appelle mot-valise (mot inventé par Lewis Carroll, forgeron du Jabberwocky, traduit en latin [5]), fait du télescopage de deux mots entremêlés, avec le plus souvent une syncope médiane ; Rabelais a composé une kyrielle de tels bâtards : Sorbonagre (âne de Sorbonne...), rataconniculer, robidilardique, incornifistibulée, coquecigrue, romivage, delmenpplist ; de même Nostredame avec olestant (l'Eternel, du grec ὅλος, tout, et du français estant, participe présent du verbe être), lonole (l'Eternel, du grec ὄν, participe présent de ἰιμι : l'étant, et ὅλος : tout), NERSAF (de l'hébreu NER, lumière, lampe, et SAF, porte, passage) ;
profanum : (adjectif nominatif neutre singulier) de profanus, a, um : profane, impie, sacrilège, non initié ;
volgus, vulgus : (nominatif singulier, neutre) la foule, la multitude ;
inscium : (adjectif nominatif neutre singulier) de inscius, a, um, ignorant, ignare ;
ne : négation ;
attrestato : impératif futur 3ème personne du singulier, formé en apparence sur le modèle de attrecto (adtrectare, transitif : toucher à, porter la main sur, manipuler, entreprendre, de tracto, toucher, manier, traiter, administrer) : qu'ils touchent à (cf. : "[libri] quos contaminatis manibus attrectas : [les livres sibyllins] sur lesquels tu portes tes mains impures" ; Cicéron, de Haruspicum responsis, 26) ;
    N.B. Sémantiquement, le verbe stare [6] est la forme pronominale de sum : se tenir [debout,.../ éloigné] <=> être soi-même [debout,.../ éloigné]. La forme incorrecte attrestato serait-elle aussi une invention de Nostredame : une conjugaison périphrastique contractée, comme la précédente censi sunto ?
stato (correspondant à une forme réflechie de sunto) est ausi un impératif futur, (de stare, se tenir debout, être soi-même debout, avec ad-sto : se tenir près, et ab-sto : se tenir éloigné). On observerait : ne ad-trec-to = qu'il ne touche pas à <=> qu'il se tienne éloigné de <=> ne ad-sta-to (qu'il ne se tienne près de) <=> « ne ad-tre-sta-to »: qu'il ne se tienne [éloigné de...] = qu'il se tienne [près de...] ; ne attrestato serait donc un ordre en apparence contradictoire, formule paradoxale particulièrement affectionnée de Nostredame, mais aussi de certains psychothérapeutes férus de maïeutique (Watzlawick, 1975, 1980).
omnesque : tous et ainsi de suite, de omnis, e, tout, toutes, -que : (conjonction copulative, enclitique) et, et ensuite, et aussi ;
legulei : (nominatif masculin pluriel de leguleius) procéduriers, chicaniers ;
Astrologi : (nominatif masculin pluriel de astrologus, i) astrologues ;
Blenni : (adjectif, nominatif masculin pluriel de blennus, a, um) stupides, niais, benêt, morveux, emprunt au grec βλέννα morve, pituite, βλέννος qui bave, idiot (Bailly, 1950) ;
Barbari : (adjectif, nominatif masculin pluriel de barbarus, a, um ) incultes, du grec βάρβαρος pour désigner des locuteurs étrangers ou incompréhensibles, au langage incorrect ;
procul : (adverbe) à distance, au loin, loin de ;
sunto : impératif futur de sum (esse, être) 3ème personne du pluriel, à la forme active (il n'y a pas de forme passive), traduit en français (qui ne connaît pas non plus d'impératif futur) par un subjonctif : qu'ils soient, éventuellement ici qu'ils se tiennent (procul esse : se tenir éloigné ; être loin => qu'ils se tiennent éloignés, qu'ils s'éloignent) ;
qui : (pronom relatif, nominatif masculin singulier/pluriel) qui, que, quoi ;
aliter : (adverbe) autrement ;
facit : (de facio, facere, faire) 3ème personne singulier indicatif présent actif ;
faxit : (de facio) 3ème personne singulier subjonctif parfait, ou du futur antérieur actif ;
is : (pronom démonstratif, nominatif singulier) celui-ci ;
ritè : (adverbe, de ritus) selon les rites ou les coutumes religieuses, selon les formes, les règles ou les usages, comme il faut, à juste titre, avec raison ;
sacer esto : (expression consacrée : qu'il soit voué aux dieux infernaux) qu'il soit maudit [selon le rite] ;


2. Analyse syntaxique :

– Le texte de Crinitus (celui qu'a lu Nostredame) recourt au datif singulier Quoi (forme archaïque de cui, datif de qui : à qui, à quoi, pour lequel) – complément d'objet indirect ou d'attribution du seul antécédent singulier legis cautio – qu'on peut rendre par "à qui", "à quoi", parfois par "comme", voire "quand" [7] ; ainsi on devrait comprendre : "A qui ils liront ces livres...", plutôt que "A ceux qui liront ces livres..." (parce que le datif pluriel de qui, c'est quibus : à ceux qui...), et pas davantage "Ceux qui liront" (on aurait alors le nominatif pluriel qui).
La suite du vers, avec censunto, comporte alors une ambiguïté de taille : "qu'ils <les> jugent (déclarent)" ; qui "ils" ? les ineptes jugeront ? ou "qu'ils soient jugés" ? ("ils" : les livres, les ineptes ou d'autres, seront jugés ?). Sachant que le pronom personnel est généralement omis devant les verbes latins, que le pronom-adjectif démonstratif de rappel (ei au masculin pluriel) l'est parfois, et que l'accusatif hosce versus est normalement un complément d'objet direct, on pourrait comprendre en admettant une forme passive [8] :
• Crinitus : Quoi legent hosce libros maturè censunto :
A qui on lira ces livres, qu'ils soient parfaitement censurés (Que les livres, à qui on les lira, soient bien censurés !)

et la signification d'un texte que Nostredame n'a jamais lu diffère beaucoup :

Brind'Amour, 1993 (p. 100) : Qui legent hosce versus mature censento :
Ceux qui liront ces vers, que mûrement ils <les> méditent (Tout lecteur, dont les ineptes critiques, jugera les vers ?)
à charge pour le lecteur avisé de choisir son sujet, et l'objet de son impératif...

– Le sceptique devra alors s'aider du contexte dans lequel Crinitus a terminé son chapitre par ce Legis cautio, qui est bien une admonestation adressée aux lecteurs [9] : « En réalité, dans ces Commentaires nous voulons adjoindre ce codicille, provenant des mystères d'Eleusis, afin de repousser au loin l'impéritie de la plèbe et de la foule profane, parce que, peu de temps auparavant, nous nous sommes aperçus que rien n'était plus nuisible aux esprits intègres et aux meilleures institutions que l'effronterie grossière des ignorants, effronterie qui leur permet de juger tout le monde non pas avec discernement et bon sens, mais avec incompétence et même extravagance, tout bien pesé » [10]. A la lumière de cet avertissement sans équivoque, y avait-il donc une absolue nécessité de corriger quoi (datif singulier) par qui (nominatif pluriel), ni censunto par censento [Brind'Amour, 1993] ?

– Le texte de Nostredame, avec l'accusatif pluriel quos en tête de phrase [11], comporte une singularité qui a pu faire penser à une faute devant nécessairement être corrigée par qui.
• dans une phrase avec un pronom relatif, le pronom s'accorde généralement en genre et en nombre avec son l'antécédent, et se met au cas qu'il occupe dans la relative (si sujet : nominatif qui ; si complément d'objet direct : accusatif quem, quos). Néanmoins, il est rare que l'antécédent et le relatif soient au même cas (ici, à l'accusatif), sauf dans un tour particulier, où il y a "attraction" du cas de l'antécédent par celui du relatif, quand la relative précède la principale, ou "incorporation" de l'antécédent dans la relative. C'est l'exemple cité dans les grammaires scolaires : litterrae quas scripsisti mihi iucundissimae fuerunt : ([cette] la lettre que tu m'as écrite m'a été très agréable) – strictement équivalent à quas scripsisti litteras mihi iucundissimae fuerunt (Touratier, 1980 ; p. 172-183-199) – où l'on admet que le "déplacement" (dans la relative) de l'antécédent nominatif litterae change son cas à l'accusatif. Généralement, mais en poésie rien n'est obligatoire, ce changement fait suivre un pronom démonstratif de rappel (eae pour litteras, mais ce serait ei pour criticos ou versus), sans lequel la compréhension de la phrase se trouverait facilement compromise... Or cette règle, qui est en réalité plus un constat qu'une explication, n'a cependant pas toujours été observée par les auteurs classiques [12].
Ici, le relatif quos est au masculin pluriel, il pourrait donc admettre comme antécédent au pluriel un nom (criticos, versus), ou un pronom indéfini (ils, ceux) : on aurait par exemple quos... versus (les vers que) ou quos... criticos (les critiques que) ; enfin le verbe transitif legent pourrait admettre un complément d'objet à l'accusatif : <lire, déléguer> quoi ? ceux-ci, les vers, les critiques ?

• avec legent (futur de legere, lire) : "ces vers qu'ils liront..." ; quos ayant pour antécédent post-posé l'accusatif hosce versus, et l'antécédent (hosce versus) étant parfois mis au cas (ici l'accusatif) d'un relatif (quos) antiptosé [12], le vers entier se comprendrait mieux dans cet ordre reconstitué : hosce versus quos legent mature censunto : ces vers qu'ils liront qu'<ils> soient bien déclarés. On voit que dans cet ordre, hosce versus, bien qu'à l'accusatif, pourrait parfaitement être la référence anaphorique du sujet retranché <ils> (<ils> = ces vers qu'ils liront...), ce qui légitimerait du même coup la traduction au passif de censunto, admettant lui-même hosce versus pour objet sémantique d'un verbe actif conjugué au passif (sinon on aurait censento : qu'ils déclarent bien ces vers qu'ils liront) ;

• avec legent (subjonctif pluriel de legare, léguer) on aurait : "pour qu'ils délèguent ces vers = pour qu'ils députent ces vers en ambassade = pour mandater ces vers". On voit que cette subordonnée circonstancielle, où les sujets indéterminés des verbes legent et censunto doivent être nécessairement différents (sinon on aurait qui au lieu de quos [13]), laisse également penser qu'ici seuls les bons censeurs (par des vers bien déclarés) devraient être médiateurs de l'ambassade, assignés à un but électif, écartant tout lecteur non initié ; ce qui était moins évident avec le cas précédent (legere au futur), où on ne voyait pas expressément lesquels seront capable de lire (choisir, élire) des vers bien déclarés, ou de traduire des vers bien compris. Quoiqu'il en soit, une fois de plus, il y avait encore une possibilité, grammaticalement correcte, de conserver quos, plutôt que de le corriger d'emblée par qui.

Mais ce n'est pas ce qu'on lit dans la traduction de Le Pelletier ("Que ceux qui liront ces vers y réfléchissent mûrement"), suivi par Brind'Amour ("Ceux qui liront ces vers, que mûrement ils <les> méditent"), ces auteurs confondant lecteurs et bons censeurs. Comme la phrase latine comporte deux verbes sans sujets explicites, le traducteur doit donc imaginer ces sujets, à défaut de les trouver parfaitement désignés ; il serait alors tenté, pour plusieurs raisons inévitables, de recopier le sujet du premier verbe sur le second, ce qui n'est pas explicitement démontré. La première raison est formelle, c'est qu'il est naturel de confondre ces sujets du fait qu'ils pourraient probablement être ici traduits tout les deux par la "même" 3ème personne du pluriel (ils... elles..!) ; la seconde raison est sensorielle, et vient de l'empreinte mnésique faite par le référent anaphorique du sujet du premier verbe (legent) : bien que les antérieurs ineptos criticos soient possiblement sujet de legent, sémantiquement ce sont principalement et eux aussi des "lecteurs" de versus, et l'empreinte mnésique reproduit alors inévitablement – avec ce "ils" sous-entendu et mal défini – le référent anaphorique "lecteurs" dans le sujet sous-entendu du deuxième verbe censunto ; enfin la troisième raison tient dans la signification habituelle du verbe latin censeo, qui est un verbe actif convenant bien à des lecteurs-acteurs plus qu'à des vers, généralement compris comme non acteurs.
Habituellement l'antécédent précède le pronom relatif, et le relatif précède le verbe. Or, ici le pronom quos est antiptosé, et comme ce chiasme participe à l'ambiguité syntaxique [Murphy, 1985] de l'ensemble du vers – au point de faire croire à une faute devant être corrigée par le nominatif qui (à traduire par ceux qui) – cette ambiguïté sémantique laisserait aussi penser que le pronom relatif quos précédant immédiatemment le verbe legent devrait se rapporter aux éléments "lecteurs" – dont les criticos – perçus comme antécédents et seuls sujets actifs possibles, plutôt qu'aux versus, imaginés habituellement comme des objets uniquement passifs.

Comme aussi en latin les pronoms personnels-sujets ne sont jamais ou rarement exprimés, le grammairien pourrait penser que les lecteurs – dont les criticos – sont le sujet commun des deux verbes actifs (lego, censeo), voire antécédent du relatif de legent (pour ceux qui ont remplacé quos par qui) et qu'un verbe comme censeo normalement actif, devrait impérativement l'être dans censunto (bien sûr, le latiniste expérimenté connaît les rarissimes formes passives de quelques verbes déponents à l'impératif futur [Flobert, 1975], mais elles ne riment pas en -to). Mais ce serait ignorer l'admonestation précédente interdisant aux profanes et ineptos criticos d'être censeurs, et mépriser la fantaisie du rédacteur qui, légataire de ce censunto, a irrépressiblement transmis cette tâche à caractère immuable, pour distinguer les bons censeurs des ineptes lecteurs. Donc, si criticos peut représenter d'éventuels lecteurs, ceux-ci ne sauraient être de bons censeurs, en aucun cas.
On pourrait aussi se demander si les traducteurs précédents – à savoir Le Pelletier en 1867, puis Brind'Amour en 1993 – avaient bien lu cette admonestation de Crinitus, interdisant aux ineptos criticos toute pertinence ou autorité. Dans le cas où ils ne l'auraient pas lue, ces auteurs bénéficieraient de l'excuse de n'avoir pas eu accès à cette information capitale permettant de résoudre la référence anaphorique portant sur le sujet de censunto. Dans le cas inverse (où ils auraient connu cette admonestation, aussi évidente que manifeste), on arguera de la participation émotionnelle du traducteur, lui-même lecteur, qui refuserait de se considérer comme un possible inepte critique ; et tout lecteur capable de traduire du latin à la volée ne pensant pas être un de ces ineptos criticos, l'acteur d'un verbe comme censeo, normalement actif, devrait donc se trouver ici parmi les sujets possibles de legent : lecteurs, ou traducteurs. Il n'est pas impossible que, concernant le regretté † professeur au Département des Etudes Anciennes à l'Université d'Ottawa, érudit malheureusement trop souvent prêt à faire des corrections impertinentes ou à dévaloriser les mérites d'illustres inconnus [14], ce piège narcissique ait freiné la résolution de cette triple anaphore.

Le piège de ces anaphores parallèles fonctionne de manière inconsciente et indépendante de l'habileté du grammairien. Le mécanisme psycholinguistique du piège s'explique en partie par le rôle de la mémoire à court terme (mémoire de travail ou mémoire discursive) qui, au cours de la lecture, devant l'absence de différence entre les pronoms-sujets des deux verbes traduits, ne permet pas de distinguer immédiatement entre "ceux" qui pourraient lire (ou déléguer) et "ceux" qui pourraient juger (déclarer, ou être déclarés) ; enfin dans sa mémoire à long terme, le latiniste chevronné n'admet que des sens actifs pour le verbe censeo, dont les acteurs ne pourraient être que les sujets de legent, puisque seuls ils ont laissé une empreinte dans la mémoire de travail (c'est celle qui agit dans les quelques secondes précédant l'audition ou la lecture du mot) sélectionnant par défaut ce que lui permet seulement le registre des connaissances dans la mémoire à long terme (Hildyard, 1977).
– Chez Nostredame, que ce soit censunto ("qu'ils soient déclarés") ou censento ("qu'ils <les> déclarent") le centre d'intérêt reste toujours "ses vers", légués à une lointaine et perenne postérité ; donc, l'accusatif quos – ayant en outre pour fonction d'éliminer criticos comme antécédent au profit de versus (sinon, on aurait bien qui) – relègue au second plan l'importance des lecteurs et l'avis des ineptes critiques, complètement discrédités : seuls resteront les vers, et leur ambassade. En outre, l'emploi ultérieur d'une forme exotique comme attrestato laisse penser que l'amateur de charabia ait préféré voir – lui aussi – dans le censunto de Crinitus une forme syncopée de censi sunto : "ces vers qu'ils liront ... qu'ils soient compris, déclarés, jugés, exprimés, ... traduits". Quoiqu'il en soit, il n'y avait donc pas lieu, là non plus, de corriger d'autorité [Le Pelletier, 1867, Brind'Amour, 1993] ni l'accusatif quos (par qui, nominatif), ni l'impératif censunto (par censento).


3. Analyse sémantique :

– Nostredame, probablement dysphasique si l'on en croit le rapport de Taxil dans son Traicté de l'Epilepsie qui en fait un enfant muet de naissance, s'exprime dans un style constamment dyslexique, rarement possible à remettre simplement en français correct (le commentaire étant mieux adapté), à tel point qu'un texte sans aucune anomalie serait suspect de ne pas être de sa main. On ne s'étonnera donc pas que – au beau milieu d'un incroyable charabia – le seul quatrain latin des Prophéties présente quelques difficultés [15], permettant aussi d'attribuer la rédaction de l'ensemble à un seul et même auteur. La forme inhabituelle censunto se trouve dans une citation de Crinitus (dont on ne connait pas la source exacte, si elle n'est pas de sa main), Michel de Nostredame la recycle à sa façon, probablement parce qu'elle lui sert pour mieux confondre tous les ineptos criticos, qu'ils soient sceptiques ou lecteurs zélés de cet épigramme, ainsi que du dixain de la Paraphrase de Galien où l'on trouve quelques exemples des innombrables expressions dyslexiques de l'auteur, avec leur explication en langage confus :


CONTRE LES INEPTES tranflateurs.
A monfeigneur le commandeur de Beynes.

Dixain.


Qui tournés locques, lafnide, & camifynes,
Le François n'ayme les noms tant pontilheux :
Changeant la langue par telles voix maftines
Non vfitees par chemin patilheux.
Vous rauaffes en vous termes poilheux,
Laiffés cela venés à la fontaine :
Suyués le droict fentier, & voye plaine,
Que Galen puiffe s'entendre en noftre langue,
Nous n'enfuyuons que la commune veyne
Qu'auons changé par vne Attique harangue.


Dans ce dixain, adressé comme la strophe latine à d'ineptes translateurs, l'auteur affirme avoir changé la langue, par voix mastines (bâtardes), dans une Attique harangue (i.e. par une adaptation francophone des mots pris dans la langue de Galien) : locques (grec λόκκη : vêtement), lasnide (latin laena < grec χλαῖνα : manteau de laine, ιδεα : forme, apparence, style), camysine (grec χλαμύς : chlamyde, casaque sans manche, camisole) ; ce sont des noms pontilleux (grec πόρντος : passage, chemin, cf. πάτος), des noms passant d'une langue à l'autre, pensés dans une langue, entendus d'autre l'autre, des termes poilleux (prononcer poïeux, grec ποιέω : créer, fabriquer, inventer), des mots habillés, déguisés, tournés à la mode hellène. La raison de cet exercice est donnée aussi bien dans le Prologue que dans le corps de la Paraphrase : Nostredame, lui-même médecin, se savait dyslexique, et reprochait aux ineptes critiques d'ignorer, sinon de mépriser, son trouble d'expression écrite. Et les lecteurs de Nostredame auront attendu le début du XXIème siècle pour apprendre que des circuits neurophysiologiques spécifiques sont mis en jeu différemment dans la communication verbale et dans la lecture (Habib, 2000, Ramus, 2003), mais que ces circuits – contrôlés génétiquement (Gopnik, 1990, Pennington,1991, Lai, 2001-03) – peuvent souffrir de déficiences sans abolir nécessairement toute intelligence (Laplane, 2000), loin s'en faut (c'est le cas des sourds-muets, ou de l'alexie sans agraphie, par exemple) ; et enfin que les lecteurs, aussi érudits qu'ils soient, n'ont pas des performances psycholinguistiques équivalentes pour résoudre les cas d'ambiguités lexicales, des plus simples aux plus inusitées (MacKay, 1966 ; Piquette, 1977 ; Gernsbacher, 1990-91-93-95 ; Reed, 1999). En outre, et ce ne sera certainement pas la moindre observation, sans compter les énormes difficultés que présente la résolution d'énigmes logiques complexes comme celles que proposait Lewis Carroll, des erreurs de raisonnement logique sont parfois inévitables : chaque cerveau humain comporte – les lecteurs les plus instruits n'y peuvent rien changer – des circuits neuro-anatomiques et physiologiques engageant vers des erreurs de jugement [16] (Damasio, 1994, Houdé & Mazoyer, 2002, pp. 547-582 ; Goel, 2003).

Une fois admises ces forme exotiques – ici locques, là censunto – on comprendra mieux que Nostredame n'ait pu s'empêcher, à dessein pour souligner leur importance dans cette strophe latine, d'en reproduire une autre de son cru, avec attrestato ;

– le sens du verbe legent admettrait, dans le style nostradamien, autant l'acception de "lire" (les vers sont écrits pour être lus, déclamés ou chantés : versus et carmina sont équivalents) que celle de "léguer" et surtout "déléguer" (Nostredame écrit ses vers prophétiques pour la postérité : ce sont de "charmants" ambassadeurs) ; ceci fait que le subjonctif serait autant admissible que le futur, d'autant que cette conjugaison jussive entamerait opportunément, en résumant le titre legis cantio, la série d'ordres et d'incantations exprimée par les impératifs successifs : censunto, attrestato, sunto, esto. On retrouverait là – mélangeant antithèse et pléonasme – un des tours les plus prisés de Nostredame : l'amphibolie énigmatique [17] ;
• Nostredame aurait pu voir dans les deux verbes latins legere (lire) et legare (léguer) des aspects sémantiques voisins, dérivés de choisir ou élire :
– le latin lectus (lit, du grec λέχος, du verbe λέγω : coucher, de l'indo-européen *legh-, être couché) est homonyme du participe parfait passif de lego, legere (choisi, lu) : ainsi dans l'expression "couché sur un testament" [18], "couché" signifie "consigner par écrit" (Rey, 2000) et désigne par les lettres alignées de son nom (dans l'opération inverse de la lecture) celui qui a été choisi comme héritier ;
– le grec λέγω (homonyme du précédent) signifie tantôt recueillir des ossements d'un mort (Odyssée, 24, 72 ; Iliade, 24, 793), tantôt désigner (un représentant), déposer une motion, faire dire, envoyer dire (Bailly, 1950) ;
– le français "léguer" (dérivé du latin lex, legis, de lego, legare) signifie laisser par testament, désigner un légat, déléguer une charge en vertu d'un contrat (Gaffiot, 1934, Rey, 2000) ;
– le messager (l'ange, du grec ἄγγελος, traduisant l'hébreu mal'ak, מלאך , dans la Génèse, XVI, 9-10-11), l'élu de Dieu (ou de la Nature, pour Spinoza...), son envoyé ou son député, désigne celui qui, chargé d'une mission, fait l'annonce ou la lecture, la proclamation d'un commandement céleste. Et quand le message est lui-même messager (ce qui arrive par exemple lorsque le message contient un autre message), il faut bien lire ce qui est legué : et on a des raisons de croire que le dévôt de Salon pensait que son testament – ses Prophéties – serait l'élu de lointains et futurs lecteurs, par volonté divine [19] ;
– l'aspect passif de l'impératif futur censunto (qu'ils soient compris : qu'ils soient, un jour futur, ayant été compris) serait en accord avec le mot cantio désignant une prière énoncée à un mode impersonnel : qu'il en soit fait ainsi, prière "que ces vers soient [plus tard, un jour] compris" (forme passive), et non pas un ordre adressé à n'importe quel lecteur ou catégorie de lecteur [], et encore moins les ineptos criticos "qui comprendront" (forme active). Là encore, il n'était pas indispensable de corriger le cantio de Nostredame par cautio (Brind'Amour, 1993). Le choix d'une forme passive (paradoxale, puisque néanmoins les vers seraient actifs sur les lecteurs eux-mêmes) explique encore la prière : que leur destinée s'accomplisse, au besoin par l'intercession d'une puissance – il n'est pas difficile de deviner à laquelle le bibliophile de Salon pensait chaque jour – de loin beaucoup plus étendue que celle des blenni et autres ineptes critiques. Car en effet, insérée dans cette oeuvre que sont les Prophéties destinées à la postérité, cette forme passive se comprend ainsi : au moment où il écrit son texte, alors que l'Europe entière se déchire dans des guerres fratricides au nom d'un dieu paraissant totalement indifférent au sort de ses enfants, son rédacteur espère et prie que son texte soit – un beau jour lointain – compris comme il l'attend, éloigné de ces ineptos criticos : astrologues et profanes mécréants, savants incultes et doctes idiots, et tous fonctionnaires zélés d'une science sans conscience ;

maturè peut être lu ainsi chez Crinitus "comme ils liront ces livres à propos qu'ils soient jugés" (tôt ou tard, mais surtout pertinement, relativement à sa Legis cautio) ; et chez Nostredame "Ces vers qu'ils liront qu'ils soient <un jour futur, ayant été> mûrement déclarés" (à point nommé, au bon moment, au moment favorable : parfaitement, mais aussi – s'agissant d'une incantatio ayant le caractère d'une prophétie, portée par le sens du verbe cano – après une bien longue et mûre délibération, de plusieurs longues et nombreuses années si nécessaire...). On pourrait néanmoins se demander ce qui serait chez Nostredame le plus "à propos" : qu'ils élisent les vers et les délèguent, ou qu'ils soient un jour bien déclarés ? Il serait plus logique d'admettre que les vers devraient d'abord être bien déclarés avant de se transformer en parfaits ambassadeurs, qui serait le but à atteindre, ce qu'une simple lecture faite par d'ineptes critiques ne permettrait pas ;

attrestato est une expression paradoxale (habituelle chez Nostredame) s'accordant au mieux avec ce qui est déclaré sacer :
  a) ne doit pas être touché de la foule ignorante et profane, qui doit donc s'en écarter,
b) ne doit pas être oublié non plus : la foule, même ignorante, doit rester le plus près possible de la prescription : ne touchez pas à ce qui est sacré. La foule ne doit donc pas s'éloigner des vers,
c) on a donc bien affaire à l'ordre contradictoire annoncé : éloignez-vous, ne vous éloignez pas !
En définitive, attrestato est une provocation délibérée de l'auteur, une facétie renforçant la singularité du censunto précédent, pour avertir ses lecteurs des particularités de son style, qu'il déclarait lui-même inimitable dans la Paraphrase de Galien [20] ; et on doit admettre que la lecture de cette strophe latine, si elle n'évite pas le recours à quelques acrobaties latines, nécessite aussi, et surtout, de tenir compte du caractère ésotérique des formules et ordonnances sacrées.
Si possible, il faudrait donc traduire attrestato par une formule paradoxale, afin de retirer à la foule profane comme aux ineptes critiques tout pouvoir, que seuls des vers sacrés possèdent ; tel est leur destin voulu par leur auteur dans sa Préface Ad Caesarem : « consyderant aussi la sentence du vray Sauveur, Nolite sanctum dare canibus, nec mittatis margaritas ante porcos, ne conculcent pedibus & conversi dirumpant vos, qui a esté la cause de faire retirer ma langue au populaire & la plume au papier. » [21]

– faut-il n'accorder à versus aucune attention particulière, et se limiter à n'y voir que de simples lignes aisément compréhensibles par tout le monde, ineptos criticos y compris ; ou bien au contraire, devrait-on se douter d'une acception plus recherchée, que Nostredame, en philologue averti, aurait choisi à dessein ? La deuxième option semblerait certainement plus appropriée si l'on considère les atypies grammaticales précédentes (censunto, attrestato), et la gêne qu'a eue Brind'Amour pour traduire un simple pronom relatif (quos). La poésie n'est pas seulement du langage courant, et encore moins du langage mathématique, les vers poétiques créent un sens métaphorique que les traductions automatisées ne peuvent pas rendre, et ce sens recherché mérite une attention tout aussi recherchée. Ainsi et fort à propos, le mot grec στροφή, strophe – dévolu maintenant à la poésie – signifie aussi détour, ruse, artifice (Gaffiot, 1936, Bailly, 1950), donc les versus des poètes – de Nostredame ou de Crinitus – sont bien des tours à prendre avec circumspectio... Enfin, Nostredame lui-même, dès le début de ses obscurs versets francophones, prophétisait “ Quand la lictière du tourbillon versée... Lors blancs & rouges iugeront à l'envers ” : ces vers, mis tout de travers, il faudra les lire à l'envers pour les remettre à l'endroit, et ceux mis en latin, il faudra bien aussi les lire adroitement...


4. Une traduction dans le style nostradamien :

Au terme de cette étude, qui avait principalement pour but de s'assurer s'il était nécessaire ou non de corriger le texte édité en 1568, une traduction tenant compte des remarques précédentes, pourrait être tentée. Vues les ambigüités de cette étrange verbocination latiale, j'ai pensé qu'il fallait en restituer les fantaisies, quitte à perdre en clarté, espérant gagner en maïeutique. Mais tout lecteur, qui ne soit pas un inepte critique, pourra s'essayer à une composition plus académique.


Le charme d'une loi contre les critiques ineptes.
Pour élire ces lais par bonne heure qu'ils soient trahis,
Que la foule profane & ignare n'en soit pas étourdie :
Astrologues Bavasseux, Idiots, arrière-toute tutti quanti !
Qui se consacre autrement, rituellement, soit maudit.

– Le sens général de l'épigramme, conjugé à l'impératif futur, passe de l'incantation à l'imprécation en passant par la prière, l'avertissement et l'interdiction ; le choix du mot charme (latin carmen, de cano : chant, poésie, enchantement, prophétie, formule magique) est le plus proche possible de cantio, mieux adapté que le mot chanson, et plus poétique qu'incantation (choisi par Le Pelletier) néanmoins exact ; l'utilisation d'article en français (le, une, etc..) permet de mieux préciser le caractère singulier, mais universel, de cette "charmante" loi : la règle devant s'appliquer aux uns (les ineptes critiques : "qui eux-mêmes liront"), et aux autres (la foule profane, les ignorants et tutti quanti), en attendant que certains veuillent bien <un jour futur> apprécier au bon moment, à bon escient, évaluer avec sagesse ;
– sachant que legent pourrait être compris tantôt comme le futur du verbe legere (choisir), tantôt comme le sujonctif de legare (déléguer), voire même les deux ensemble, j'ai choisi un moyen terme avec "pour élire ces lais" compris aussi bien comme "élire ces vers" que comme "lire ces legs" [22] : pour les envoyer en ambassade, pour charmer tout lecteur qui ne soit pas définitivement inepte, et à cette occasion on pourrait s'amuser à dire que notre amateur de contre-point serait un sacré maître-déchanteur ;
hosce versus : ces vers-là, ce ne sont pas seulement les quatre lignes de la strophe latine – de la même façon que chez Crinitus, hosce libros sont tous les Livres de ses Commentairesce sont aussi, et surtout, tous les vers des Prophéties ; et ces versus, ce sont ses tournures particulières, ses détours linguistiques rusés, ses vers mis tout de travers qu'il faudra retourner et changer, transformer et traduire pour ceux qui les liront comme une loi, qui les recueilleront comme un testament ;
trahis c'est-à-dire traduits, révélés, en fin de compte déclarés. Ce choix inattendu voudrait respecter la forme ambigüe de censunto, mais s'inspire aussi du latin traductio, traversée, exhibition, de traduco, conduire au-delà, faire passer, faire connaître, montrer au grand jour, ainsi que de l'expression "traduire en justice" (cf. grec καλέω-ῶ εἰς δίκην : faire comparaître ; δηλόω-ῶ : révéler, trahir [23]), de façon que tous ces vers soient jugés – ou traduits, le double sens n'est pas impertinent – au moment le plus favorable : "par bonne heure" ou "par bon heur" [24] et non par la foule profane ; et que les sages émettent un avis dans les formes prescrites par la loi : écartant d'une longue délibération les bavardages des astrologues, des ignorants et autres perroquets [25] ;
– que la foule n'en soit pas étourdie : qu'elle se rappelle de se tenir éloignée des vers comme des ineptes critiques, qu'elle se rappelle aussi de se tenir proche de cette prescription [26]. Comme les vers et la foule profane entretiennent des élément plus spirituels que strictement matériels, il est licite d'employer un verbe figurant le domaine psychique, sachant qu'on peut se trouver étourdi par excès (dans l'ivresse procurée par le charme), ou par insuffisance (dans l'oubli de la prescription). Plus proche du latin attrecto, le lecteur pourrait préférer un autre verbe : que la foule n'en soit pas saisie (émue, prise à témoin, juge : des vers, des ineptes critiques), ni manipulée ;
– on ne saurait écarter que Nostredame ait volontairement omis une virgule entre Astrologi et Blenni, laissant entendre de cette façon que certains astrologues – parmi ceux pratiquant comme lui l'astrologie judiciaire – ne seraient pas aussi morveux que d'autres, bavards écervelés. Néanmoins, la substitution du vocable Legulei (dans le texte de Crinitus) par celui d'Astrologi (dans le texte de Nostredame) doit retenir l'attention, eu égard aux éléments psycho-linguistiques exposés ci-avant. On sait en effet depuis les premiers critiques [27] que Nostredame n'était qu'un piètre astrologue, incapable de faire avec précision les longs calculs mathématiques nécessaires à l'établissement d'un thème natal (Brind'Amour, 1993). Or, il est probable que le médecin de Salon connaissait – aussi bien que sa dyslexie (exposée à dessein dans sa Paraphrase de Galien) – cette dyscalculie [28], faculté qu'il disait avoir héritée de ses géniteurs [29]. En effet, il n'est pas rare que ces deux troubles, d'origine génétique, soient associés entre eux (Knopik, 1997) et même à une épilepsie temporale (Delazer, 2004), à des degrés divers mais jamais totalement imperceptibles (Shalev, 1988, 2001). De ce fait, relativement à la destination de cette Legis cantio, citer expressément – plutôt que les Legulei – les Astrologi, à côté des Blenni et des Barbari, est un avertissement clair aux ineptes critiques : l'astrologie, loin d'être une relation causale pertinente dans les Prophéties, sera bien plus souvent un leurre ! Astroloquaces, bonimenteurs, bas les pattes !
– dans le dernier vers on voit que pour Nostredame – confondant facit indicatif présent, et faxit futur antérieur – le procès est permanent : en effet l'action se prolonge du présent où il écrivait (depuis le jour de sa rédaction) vers le futur de esto (incluant tout ce qui est antérieur au futur, celui-ci n'ayant aucune fin) : qu'il soit un jour <tôt ou tard> maudit celui qui juge ou aura mal jugé (tôt ou tard, quel que soit le jour, quel que soit le rite : car les rites changent avec les hommes et les époques, contrairement au jugement dernier, dont on ne sait rien...) ;
– on ajoutera que le verbe facere comportait, dans ses usages archaïques avec faxit [30], une connotation religieuse : faire un sacrifice, d'où le verbe réfléchi "se consacrer" (dans le sens de faire quelque chose relatif aux rites) ; "qui aliter faxit" s'accorde à la nature de la sentence : sacer esto ! Sachant que Nostredame était un mystique notoire pour qui "Dieu est sur tout" j'ai donc rétabli en français le sens spirituel du verbe, mais au présent de l'indicatif, pour souligner le caractère permanent de la sentence.


5. CONCLUSION

L'étude présentée ici montre :
– la nécessité d'examiner le corpus nostradamien comme un archéologue devant un fossile rare, avec curiosité et circomspection, ou avec le zèle d'un notaire devant un testament rédigé dans une langue vernaculaire quelque peu cryptique, mais soucieux et respectueux, à la lettre, des dernières volontés du défunt ;
– de nouveaux éléments lexicaux en faveur d'une thèse, présentée dans Logodaedalia en 2001, établissant la nature dyslexique de ce corpus ;
– que les sources habituellement citées dans la plupart des études nostradamiennes sont généralement utilisées à tort et à travers, puisqu'elles ignorent ces éléments lexicologiques et leurs fondements neuropsychologiques ;
– l'intérêt d'ajouter à la connaissance des langues celle des hommes avec leurs espoirs et leurs craintes, leurs souffrances et leurs passions, l'intérêt d'étudier leurs vices comme leurs mérites, leurs aptitudes naturelles comme leurs imperfections ;
– la nécessité, pour une critique fuyant l'ineptie, de progresser dans cette voie exigeante, combattant les falsifications et les absurdités fantaisistes répandues par nombre d'insignes imposteurs.


NOTES :

[1] Ces bizarreries font écho à un autre emprunt de Nostredame à Crinitus (Commentari VII, 4) dans le quatrain I-42, publié pour la première fois en 1555. I-42 : Le dix Kalende d'Avril de faict Gotique,/ Resuscité encor par gens malins:/ Le feu estainct, assemblée diabolique,/ Cherchant les or du d'Amant & Pselin.
Le Pelltier en faisant la relation avec le de Daemonibus de Psellus, trouvait que "le dix des calendes d'avril de l'ancien comput correspond au dernier jour de mars du calendrier grégorien. Il est donc vraisemblable que Nostredame désigne implicitement ici une année où la nuit du vendredi saint tomba le 31 mars". Brind'Amour a poursuivi en expliquant que le dix des calendes d'avril (le 23 mars) correspondait à l'anniversaire de la mort du Christ mais, invoquant Crinitus, a corrigé "Gotique" par "Gnostique", "Amant" par "Adamant" et "Pselyn" par "Psellus", en arguant que "de mauvaises gens ressusciteront une vieille pratique gnostique : toutes lumières éteintes se tiendra une assemblée diabolique, cherchant les saletés décrites par Adamantius et Psellus" (Brind'Amour, 1993, p. 233-6 ; Brind'Amour, 1996). Ces corrections, à mon avis inutiles, ignorent l'habitude qu'avait Nostredame de déformer partout le lexique de ses sources. Elles ignorent aussi la véritable épouvante que Nostredame ressentait devant les troubles sociaux de son temps, lui démontrant que la religion chrétienne périclitait, et succombait dans un manque de ce que le bibliophile de Salon appellait lui-même "la véritable foi" (le feu estainct), celle qu'il conviendrait de ressusciter plus tard en cherchant (mais en vain pour ces gens malins comme les Goths de Rabelais dans Pantagruel, chap. VIII, réunis en assemblée diabolique : divisée ou schismatique) les paroles d'amour fraternel dans un nouvel évangile, le sien, écrit par un auteur complètement dyslexique, Pselin (cf. grec ψελλὸς, mal prononcé, obscur, inintelligible ; et lunatique, σεληνιακός de σελήνη, la lune).

[2] Cf .Estienne, 1549, Dictionnaire François-Latin (#1 Chanter, #2 Charme, #Carme)
Chanfon, Cantio, Præcentio, Mufa, Carmen, Cantique, Pfalmus.
Charme, Carmen, Incantatio, Incantamentum.
Carme, Francis Charme [...] Carme ou uers, Carmen.

[3] Cf. Plaute : "Qui homo mature quaesivit pecuniam, nisi eam mature parsit, mature esurit : he who has made money at the right time, if he is not soon sparing of it, will too soon suffer hunger : Celui qui a fait fortune au bon moment, s'il ne l'épargne pas rapidement, mourra bientôt de faim" (Curculio, 380-381 ; Charlton T. Lewis, Charles Short, A Latin Dictionary @ Perseus) ;
Cf. Aulu-Gelle (X, 11 ; Trad. Chaumont, 1919) : « Mature signifie maintenant à la hâte, vite, en opposition avec le sens primitif du mot. Autre chose est, en effet, d'agir mûrement, mature, autre chose d'agir à la hâte, propere. Aussi P. Nigidius, homme d'un savoir universel, dit-il : "C'est agir mûrement que d'agir ni trop vite ni trop lentement ; c'est tenir avec modération le juste milieu."... ».

[4] Tite-Live (Ab Urbe Condita) : "atque in his tribubus tum primum ex Ualerio plebiscito censi sunt : et en vertu de la loi Valéria, les uns et les autres furent classés pour la première fois dans ces deux tribus" (XXXVIII, 36) ; "ea apud socios nominis Latini censi essent : et avaient été recensés parmi les alliés latins" (XLI, 9).

[5] le poème "Jabberwock", pourtant réputé collectionner de nombreux hapax et non-sens, a néanmoins reçu une "traduction" latine :
Iabrochii :www.cd.chalmers.se/~jessica/Jabberwock/latin2.html
Gabberbocchus : www.cd.chalmers.se/~jessica/Jabberwock/latin.jpg
en grec Η Ιαββερυοκη :
www.cd.chalmers.se/~jessica/Jabberwock/greek.gif
mais aussi en russe, en hébreu, en japonais, etc.

[6] "Dans la langue poétique, stare apparaît comme synonyme fort de esse ; ainsi Vg., Ae. 1. 646, omnis in Ascanio cari stat cura parentis, où stat = posita ou simplement est ; Lucr., 1, 746-748, deinde quod omnino finem non esse secandis / corporibus faciunt neque pausam stare fragori (où finem esse et pausam stare sont exactement semblables), / nec prorsum in rebus minimum consistere quicquam (où consistere = esse) ; de même, 5, 199, tanta stat (natura), praedita culpa, où stat joue le rôle de la copule." (Ernoult & Meillet, 1994).

[7] Plaute, Curculio, 557 : "quoi homini di sunt propitii: quand les dieux sont pour vous = un homme à qui les dieux font du bien" ; Poenulus, 867 : "quoi domi sit quod edis" : quand tu as au logis de quoi manger" ; Poenulus, 823 : "quoi homini herus est consimilis : à qui sert un maître comme celui que je sers" (Nisard, 1844) ; Catulle : "Quoi dono lepidum novum libellum ? : A qui dédier ce nouveau et charmant petit livre ?... Quoi primum digitum dare adpetenti : toi à qui elle donne le bout de son doigt à baiser" (M. Rat, 1931).

[8] Crinitus, qui affectionnait les formes archaïques, aurait encore pu s'inspirer d'Aulu-Gelle (XVIII, 12) : "Nos vieux auteurs avaient l'habitude de donner la forme active aux verbes passifs". Cette trope – où le passif et l'actif sont interchangeables indistinctement – est une source d'équivoques, étudiées en détail par Aristote dans ses Réfutations sophistiques, puis par Galien dans ses Sophismes verbaux : dans γενοιτο καταλαβειν τον ηυν εμε « c'est la phrase elle-même qui, sans autre appui qu'elle-même, signifie le fait de prendre aussi bien que celui d'être pris » ; « Ainsi ἀκούω (j'entends) appartient au pâtir, mais l'on pourrait croire que c'est un verbe d'action parce que sa prononciation, autrement dit sa forme, a la plupart des propriétés similaires à celle des verbes d'action comme τρέχω (je cours), νοέω (je pense). Le sophiste pourra tirer le verbe de l'un ou l'autre côté : le tirer du côté du passif : ce qu'il est, le tirer du côté de l'actif : ce qu'il paraît être. » (Galien, 1998).

[9] Crinitus (1504) : "In his vero commentariis legem hanc volumus esse adscriptam e sacris eleusinis, quae plebis inertiam profanumque vulgus longe arceat, quoniam paulo ante experti sumus, nihil magis obesse probis ingeniis atque optimis institutis quam rudem imperitorum audaciam, quae nullo quidem iudicio aut ratione, sed inscitia atque libidine, omnia expendit." (Commentarii de honesta disciplina, liber XXV, Admonitio operis ad legentes).

[10] Cet avis n'a pu passer totalement inaperçu de Nostredame, lequel écrivait dans l'Excellent & moult utile Opufcule à touts neceffaire : " ie fuis logé entre des gens barbares, ennemis des gens de bien, or mis peu encores ignorants aux bonnes lettres… (p. 122) ; Icy ou ie fais ma refidence, ie fuis logé pour la faculte de quoy ie fais profefsiõ entres beftes brutes, & gents barbares, ennemys mortelz de bõnes lettres, & de memorable erudition " (p. 220) ; dans l'Almanach pour 1566 (Predictions de Juin) : "... puis la mort d'un fort grand apportera beaucoup de troubles tant en la hierarchie, qu'en l'ariftocratie, & beaucoup plus en la democratie. [...] fon gazophilacium fe treuuera tellement efpuisé, qu'il fera contraint de tyranniquement exiger fes fubjets, & deuiendra fplenetique..." ; dans les Prophéties : "la dame Grecque de beauté laydique" en IX-78 qui désigne par un oxymore la res publica, la chose publique, vue péjorativement : laide et laïque (du grec λαιδος, de λαός la foule, Λαΐς la fille du peuple, la courtisane de Corinthe) ; dans la Lettre à Henry Second : "Et les contrees, villes, citez, Regnes, & prouince qui auront delaiffé les premieres voyes pour fe delivrer, fe captiuant plus profondement, feront fecretement fachés de leur liberté" (p. 12) ;
  – Avant Crinitus et après Nostredame, d'autres auteurs se sont prononcés sur le même sujet :
Cf. Platon (La République, VIII) ; Cf. Aristote (Politique, VI, 4, 9 ; ed. Sepulveda, 1548, p. 191 sq.; ed. J. Perionio, 1557, p. 103 sq.) ; Cf. Thucydide (VI, 90).
Cf. Cicéron (résumant Platon) : "Cum enim, inquit, inexplebiles populi fauces exaruerunt libertatis siti malisque usus ille ministris non modice temperatam sed nimis meracam libertatem sitiens hausit, tum magistratus et principes, nisi ualde lenes et remissi sint et large sibi libertatem ministrent, insequitur, insimulat, arguit, praepotens, reges, tyrannos uocat. [...] Eos qui parerant principibus agitari ab eo populo et seruos uoluntarios appellari ; eos autem qui in magistratu priuatorum similes esse uelint eosque priuatos qui efficiant ne quid inter priuatum et magistratum differat, ferunt laudibus et mactant honoribus, ut necesse sit in eius modi re publica plena libertatis esse omnia, ut et priuata domus omnis uacet dominatione et hoc malum usque ad bestias perueniat, denique ut pater filium metuat, filium patrem neclegat, absit omnis pudor, ut plane liberi sint, nihil intersit ciuis sit an peregrinus, magister ut discipulos metuat et iis blanditur spernantque discipuli magistros, adulescentes ut senum sibi pondus adsumant, senes autem ad ludum adulescentium descendant, ne sint iis odiosi et graues ; ex quo fit ut etiam serui se liberius gerant, uxores eodem iure sint quo uiri, quin <in> tanta libertate canes etiam et equi, aselli denique liberi [sint] sic incurrant ut iis de uia decedendum sit. Ergo ex hac infinita, inquit, licentia haec summa cogitur, ut ita fastidiose mollesque mentes euadant ciuium ut, si minima uis adhibeatur imperi, irascantur et perferre nequeant ; ex quo leges quoque incipiunt neclegere, ut plane sine ullo domino sint." (De re publica, I, 66-67).
Cf. La Boétie : "Tel est le penchant naturel du peuple ignorant qui, d'ordinaire, est plus nombreux dans les villes : il est soupçonneux envers celui qui l'aime et confiant envers celui qui le trompe. Ne croyez pas qu'il y ait nul oiseau qui se prenne mieux à la pipée, ni aucun poisson qui, pour la friandise du ver, morde plus tôt à l'hameçon que tous ces peuples qui se laissent promptement allécher à la servitude, pour la moindre douceur qu'on leur fait goûter. C'est chose merveilleuse qu'ils se laissent aller si promptement, pour peu qu'on les chatouille. Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements étaient ceux qu'employaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples abrutis, trouvant beaux tous ces passe-temps, amusés d'un vain plaisir qui les éblouissait, s'habituaient à servir aussi niaisement : mais plus mal que les petits enfants n’apprennent à lire avec des images brillantes." (1548, Discours de la servitude volontaire) ;
Cf. Gabucinius : "COGITANTI mihi fæpenumero, & memoria uetera repetenti, Primores Amplifsimi, infelices illi fuiffe uideri folent, qui quum de Rep. optime meriti fuiffent, illamq; fuis præclaris uirtutibus exornafsẽt, omnes fere graue aliquod incommodum pertulere..." (1561, Prologue, de Comitiali Morbo) ;
Cf. Jean Bodin : "Mais veut-on meilleur jugement que Xénophon ? Je ne puis, dit-il, approuver l'Etat des Athéniens, parce qu'ils ont suivi la forme de République en laquelle toujours les plus méchants ont du meilleur, et les hommes d'honneur et de vertu sont foulés aux pieds. [...] Si nous prenons l'avis de Platon, nous trouverons qu'il a blâmé l'état populaire, l'appelant foire où tout se vend. Nous avons même jugement d'Aristote, qui dit que l'état populaire ni Aristocratique n'est pas bon, usant de l'autorité d'Homère, ουκ αγαθον πολυκοιρανιη. [...] Et comment pourrait un peuple, c'est-à-dire une bête à plusieurs têtes, sans jugement et sans raison, rien conseiller de bien ? Et demander conseil au peuple, comme l'on faisait anciennement ès Républiques populaires, n'est autre chose que demander sagesse aux furieux. Ce qu'ayant vu Anarchasis, et que les Magistrats et anciens disaient leur opinion en pleine assemblée, puis après le peuple donnait la résolution, il dit qu'en Athènes les sages proposaient, et les fols disposaient, [...] Et, pour cette cause principale, l'état d'Athènes, de Syracuse et de Florence est tombé en ruine. [...] Et tout ainsi que le naturel d'un peuple, dit Tite-Live, est insolent et débordé en toute licence quand les affaires se portent bien, aussi est-il tout soudain ravalé et rabattu d'une perte, comme nous avons montré ci-devant. [...] Car la conservation d'une République populaire, si nous suivons l'avis de Xénophon, est d'avancer aux offices et bénéfices les plus vicieux et les plus indignes ; et si le peuple était si mal avisé de bailler aux gens vertueux les charges honorables et dignités, il perdrait sa puissance, d'autant que les gens de bien ne porteraient faveur sinon à leur semblables qui sont toujours en fort petit nombre. Les méchants et vicieux, qui sont la plupart du peuple, seraient rebutés des honneurs, condamnés et chassés peu à peu par les juges entiers et incorruptibles et, en ce faisant, les hommes sages se saisiraient de l'état, et l'ôteraient au peuple. C'est pourquoi le peuple Athénien, dit Xénophon, donnait audience aux plus méchants, sachant bien qu'ils diraient choses plaisantes et utiles aux hommes vicieux, qui sont la plupart du peuple. [...] Et quant à la justice, le peuple, dit-il, ne s'en soucie aucunement, pourvu qu'il tire profit des jugements qu'il vend au plus offrant, et qu'il ait moyen de ruiner les riches, les nobles, les gens de bien, qu'il harasse sans cause, pour la haine capitale qu'il a contre [de] tels gens, du tout contraires à son humeur naturelle. C'est pourquoi la République populaire est la ressource et le refuge de tous hommes turbulents, mutins, séditieux, bannis, qui donnent conseil, confort, et aide au menu peuple, pour ruiner les grands, car quant aux lois on n'y a point d'égard, vu qu'en Athènes le vouloir du peuple est loi. Voilà le jugement que fait Xénophon de la République d'Athènes ..." (1583, Les Six livres de la république, VI, 4).

[11] Horace (Satires, I. 106) : "Quos ultra citraque nequit consistere rectum : au-deça et au-delà de quoi il n'y a plus de droit" ; Quintus Serenus (Liber medicinalis, IV) : "Quos pudet aetatis longae, quos sancta senectus offendit,... his prodest... : A ceux que le grand âge fait honte, et qu'afflige la vénérable vieillesse, ... il convient d'employer..." ; Anonyme : "quos Deus vult perdere, prius dementat : ceux que Dieu veut perdre, il commence par les rendre fous".

[12] Virgile (Aen., 1, 573) : "Urbem quam statuo vestra est : la ville que je construis, c'est la vôtre" ; N.T (Job, 14, 24) : "Sermonem quem vos audistis non est meus : cette parole que vous avez entendue, ce n'est pas la mienne" ; Terence (And., 47) : "Quas credis has non sunt verae nuptiae : Ces noces que tu crois être des noces ne sont pas de vraies noces" ; (Colombat, 1999, § La syntaxe du relatif latin, pp. 465-511) ;
Digesta Iustiniani : "Quas pecunias legavi..." (Domini Nostri Sacratissimi Principis Iustitiani Iuris Enucleati ex omni vetere iure collecti digestorum seu pandectarum, Liber 30).

[13] relative au subjonctif : "misit legatos qui pacem peterent : il envoya des ambassadeurs pour qu'ils demandent la paix" ; subordonnée circonstancielle au subjonctif : "eis libros do quos legant : je leur donne des livres pour qu'ils les lisent".

[14] Brind'Amour, citant dans sa bibliographie l'oeuvre de François Crouzet parue en 1973, Nostradamus, Poète français, a déclaré sur un ton parfaitement condescendant du professeur sûr de lui : "Petit livre d'un amateur bien intentionné. L'auteur est sensible à la puissance du style nostradamien et voudrait faire une place au prophète dans l'histoire de la littérature française, mais il ne dispose pas des instruments intellectuels nécessaires pour mener à bien sa tâche" (Brind'Amour, 1996 ; p. 569). On pourrait sourire lorsqu'on s'aperçoit que dans le même livre, page 258, l'intellectuel narquois fit cette malheureuse correction : "Silene (grec Σελήνη) = Séléné, la Lune", sans s'apercevoir que Nostredame pensait au père nourricier de Dionysos, le Silène, grand classique de la littérature mythologique, fort bien décrit par Rabelais : "…Alcibiade on dialogue de Platon, intitulé le Banquet, louant son précepteur Socrates, sans controverse prince des philosophes : entre autres paroles le dit estre semblable es Silenes. Silenes étaient jadis petites boîtes, telles que voyons de présent es boutiques des apothecaires, peintes au-dessus de figures joyeuses et frivoles, comme de Harpies, Satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs limoniers, et autres telles peintures contrefaites à plaisir pour exciter le monde à rire. Quel fut Silene maistre du bon Bacchus. (…) Tel disait être Socrates : parce que le voyant au dehors, & l'estimant par l'exteriore apparence, n'en ussiez donné un coupeau d'oignon : tant laid il était de corps & ridicule en son maintien, le nez pointu, le regard d'un taureau, le visage d'un fol ; simple en moeurs, rustique en vêtements, pauvre de fortune, infortuné en femmes, inepte à tous offices de la république ; toujours riant, toujours beuvant d'autant à chacun, toujours se guabelant, toujours dissimulant son divin savoir. Mais ouvrant cette boîte, eussiez au dedans trouvé une céleste & impreciable drogue : entendement plus que humain, vertu merveilleuse, courage invincible, sobresse non pareille, contentement certain, asseurance parfaite, deprisement incroyable de tout ce pourquoi les humains tant veillent, courent, travaillent, naviguent, et bataillent. " (Prologue de Gargantua).

[15] Brind'Amour a lui-même reconnu dans la Grand' Pronostication pour 1557 "un passage latin typiquement nostradamien, c'est-à-dire incompréhensible..." : "Causis quibus naturalis diuinatio nobis data est : sed curiosissimè obseruatis cursibus rerum caelestium, signa tamen causarum & notas cernimus, quibus adhibita memoria, & solerti diligentia ex monumentis meorum auitum acquirrimus eam caelestem diuinationem, non artificiosam : sed fulgentibus ostentis, monstris signisque caelestium nocturnis obseruationibus", lequel prenait sa source dans le De divinatione de Cicéron (Brind'Amour, 1993, p. 66).
Cf. Le Pelletier : "Nostradamus a écrit ses Centuries selon les règles de la syntaxe latine, avec toutes les inversions de mots et de phrases qu'elle permet. Ce ne sont qu'antithèses et amphibologies. Les datifs et ablatifs absolus, les changements de cas et de temps, les transpositions de sujet et de régime rendent la construction équivoque ; son vocabulaire se complique d'une foule de mots celtiques, romans, espagnols, italiens, latins, grecs et hébreux. Il met tantôt le tout pour la partie, et tantôt la partie pour le tout." (Les Oracles..., 1867).
Dans son Interprétation des Hiéroglyphes, Nostredame traduit le latin Gaude gaude Aegypte quae me nutristi par "Joye en Egypte, joye que m a nourrie" : pourquoi exiger d'un dyslexique, ayant principalement entendu le provençal dans son enfance, et peut-être même l'hébreu, une écriture en français correct et une traduction parfaite des formes latines ?

[16] Même des problèmes de logique apparemment simplistes, comme celui des quatre cartes imaginé par l'américain Peter Wason, arrivent à induire sournoisement des erreurs de raisonnement, conduisant à des conclusions erronées dans la plupart des cas (Girotto, 1991 ; Drozda-Senkowska, 1997).
  En résumé, on distingue actuellement deux stratégies de raisonnement – l'une perceptive et formelle (celle des paradoxes de Zénon d'Elée), l'autre logique et sémantique (celle du théorème de Godel) – sélectionnées différemment en fonction de l'environnement émotif de l'individu, aboutissant à des raisonnement erronés lorsqu'on accorde une importance excessive aux facteurs non pertinents pour les problèmes à résoudre, et néglige les facteurs non pertinents (cas du raisonnement délirant chez les paranoïaques, souffrant d'une totale anosognosie, incapables de s'investir dans un quelconque ΓΝΩΘΙ ΣΕΑΥΤΟΝ). Etudiés en imagerie fonctionnelle, les circuits dits perceptifs engagent préférentiellement le cortex cérébral postérieur (lobes occipitaux et temporo-pariétaux, intéréssés pendant la lecture silencieuse), tandis que le raisonnement logico-sémantique active davantage un réseau antérieur (cortex préfrontal ventro-médian droit, impliqué dans les rapports entre émotions et raisonnement, et la résolution des conflits logiques ; gyrus frontal moyen et inférieur gauche, impliqués dans la mémoire de travail et l'inhibition des circuits perceptifs résultant des capacités d'abstraction). C'est pourquoi les capacités et les orientations logico-déductives du cerveau sont proportionellement liées à celles de l'enthousia, de la sensibilité émotive et des abstractions esthétiques (Damasio, 1994, Houdé, 2001, Houdé & Mazoyer, 2002, pp. 547-582 ; Goel, 2003) : il n'y a jamais de raisonnement désintéressé ni de science désincarnée. Et contrairement à l'utopie cartésienne ("le bon sens est la chose du monde la mieux partagée... la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on appelle le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes..."), aucun génie n'est naturellement bon, car "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".

[17 ] On pourrait voir dans le subjonctif (quos legent) une réponse à la question implicite de savoir pourquoi "ces vers, qu'ils liront, qu'ils soient bien déclarés" : "pour qu'ils <les bons censeurs> les envoyent en ambassade". On aurait ainsi une équivoque par homonymie – la première des figures de rhétorique théorisée par Galien dans son traité de Sophismatis – telle que celle exposée par Grangier, en résumant le commentaire de Cristoforo Landino, dans une annotation de la Divine comédie : « Le pas dont la personne vive à mourir est contrainte. Ce passage s'entend en deux façons : Dante dict "Lo passo che non la sciò già ma persona viva." C'est le péché, duquel pas un n'est exempt, si vertueux soit-il, tant qu'il est est vie. Et il monstre par une hyperbole, le dangier qu'il y a de pecher, si bien que l'on trouve peu de gens qui sortent de l'ignorance, pour venir à la lumière de la vraye cognoissance des choses. La sintaxe de ces motz doncques est double. Le pas, dict-il, qui ne laissa iamais aucune personne en vie, ou bien en ceste sorte, Le pas que la personne vive n'a iamais delaissé» (Grangier, 1596).
[] Dans la Préface des Prophéties, Nostredame utilise une expression réunissant trois synonymes du mot épilepsie : "comitiale agitation Hiraclienne"; dans les Prophéties : cf. III-92 : Le monde proche du dernier periode (Au XVIe siècle, période ayant autant le sens de révolution que de fin, et dernier periode celui de ruine et déchéance, ce dernier periode pourrait signifier le dernier des derniers, dont sera le monde proche, le monde au propre et au figuré (du latin mundus, pur et net). Conjugué au passé, le temps "proche" est celui près du dernier jour déjà vécu, comme aussi sa transposition dans une ancienne prophétie, conférant au latin prope, proximus, le sens de deretro, derrière) ; cf. IV-7 : "tombe chet lache : par là où las tombe, caduc choit, et lapsus lâche" rappelle l'histoire d'Hercules qui, après une accumulation de grandes fatigues, tomba malade du mal caduc (Corpus Paroemiographorum Graecorum ; Macarii, IV, 56, cité par Pigeaud dans L'homme de génie et la mélancolie) ; cf. VIII-19 : "les rouges rouges le rouge assomeront".

[18] Cf. .Estienne, 1549, Dictionnaire François-Latin (#Coucher) :
Coucher ou rediger par escript, Mandare scriptis, Commendare monumentis, Peragere res gestas. [...]
Coucher par son testament, Cavere testamento.

[19] A la troisième personne de l'impératif (singulier ou pluriel, présent ou futur), l'ordre s'adresse indirectement au subordonné, et nécessite l'intercession d'un tiers agent, nécessairement d'ordre supérieur, tout-puissant : ici une loi, là un dieu, ailleurs le destin. Dans ce cas, on peut comprendre que le subordonné (ceux ou celui auquel s'adresse l'ordre) agisse seulement comme patient : il est agit, mu par un impératif superlatif lui ôtant d'avance toute liberté d'action, ce qui explique la signification passive de la troisième personne de l'impératif, qu'il soit conjugué dans une forme active ou passive.

[20] "serõt quelques vns, à qui possible, qui ne pourroit nullement imiter la moindre partie de la translation vouldrõt calomnier quelque mot, que possible leur semblera aliené à leurs oreilles" (1557, Prologue de la Paraphrase de Galien).

[21] "Ne donnez pas les choses saintes aux chiens et ne jetez pas les perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que, se tournant contre vous, ils ne vous déchirent." (Le Pelletier, 1867). La citation s'inspire du Nouveau Testament : "Nolite dare sanctum canibus, neque mittatis margaritas vestras ante porcos, ne forte conculcent eas pedibus suis, et conversi dirumpant vos" (Mathieu, 7, 6).

[22] Le lai (probablement expression abrégée de versus laicus) est une forme poétique versifiée qui eut des auteurs célèbres avec Marie de France, mais aussi François Villon lequel, opportunément, a laissé sous-entendre qu'il faisait un legs de ses Lais (40 strophes de 8 vers, qu'on appelle aujourd'hui Petit Testament, écrit vers 1456). J'ai déjà developpé dans Logodaedalia cette idée que le style de Villon – allégorique – avait pu inspirer celui de Nostredame, notamment dans l'emploi détourné de toponymes désignant des conditions de vie (ex. Chartres, mis pour une prison, voire un sarcophage ; Bordeaux pour un bordel) ou des personnages : "Qui ne m'entent n'a suivy les bordeaulx" rappelait Villon dans le Testament aux connaisseurs de la Grosse Margot tenant "publicque escolle, Où l'escolier le maître enseigne", là où des escholiers enseignaient, comme les ânes de Platon, à leurs maîtresses. "La double lecture du vers 1631 a entraîné deux leçons différentes pour le vers 1632 : si l'on fait de l'escolier le sujet d'enseigne, il s'agit d'une école spéciale, celle des prostituées, et d'un monde à l'envers où c'est l'élève qui enseigne au maître les vertus chrétiennes. " (Dufournet, 1992).

[23] Pour Nostredame, "trahir" c'est "traduire", "faire paraître", "révéler" : "grand preme au délateur" en I-45 (cf. latin praemium, prérogative, avantage, récompense, cf. prime, proesme, prisme, prémie, récompense ; délateur : du latin delatio, de defero, déférer, annoncer, révéler, dénoncer, porter plainte en justice ; Gaffiot, Godefroy, Rey, TLF) ; "Sera trahy, deceu par interprete" en VI-60 (trahir : abandonner pour un autre, livrer un secret ; décevoir : causer une désillusion ; cf. Estienne, 1549 : Surprendre,... Toute chofe par laquelle on furprend ou decoit on aucun, Laqueus), "Par cinq cens un trahir sera tiltré" en IX-34 (tiltré : du latin titulus, renom, gloire ; cf. Estienne, 1549 : Tiltre, quafi Title. Titulus, per fyncopem Titlus. ... Tiltre d'honneur & louange,Titulus).

[24] "Heur, m. Est fortune prospere: car sans addition il se prend tousjours en bonne part, comme, L'heur d'un tel est grand, Bona vtitur fortuna, ac felici rerum successu. On dit neantmoins bon heur plus emphatiquement pour ce mesme, Felicitas. Dont le contraire est malheur, Infelicitas. Il semble qu'il vienne de ωρα Grec, qui signifie aussi Temporis oportunitatem ac quandam maturitatem, Car ce qui est fait à heure et temps deu et oportun, succede communéement bien, et est heureusement fait. Aussi disons nous de celuy qui arrive à temps heureux pour luy, qu'il est arrivé à bonne heure et celuy à qui est advenu quelque infortune arrivant en quelque lieu, qu'il y est arrivé en male heure. voyez Heureux." (Nicot, 1606) ; cf. Nostredame : "Le prince Anglois... Voudra poursuivre sa fortune prospere" en III-16, "Sept ans Philip sera fortune prospere" en IX-89.

[25] Bavasseux : mot québecois, emprunté à Montaigne (1584 « bavarder » ; Montaigne, III, 2 : Je dy vray, non pas tout mon saoul : mais autant que je l'ose dire. Et l'ose un peu plus en vieillissant : car il semble que la coustume concede à cette aage plus de liberté de bavasser, et d'indiscretion à parler de soy ; TLF).

[26] Cf. Nostredame, Almanach pour 1560 : "vulgi uerba loquacis sperne" : méprise les propos de la foule bavarde (Brind'Amour, 1993, 1993, p. 94).

[27] Videl : " Je sçay bien qu'à ceux qui veulent aprendre en astrologie leur est necessaire regarder le ciel, pour bien cognoistre les estoiles fixes, que planetes, & le cours d'icelles : mais de dire qu'il y faut aller regarder pour faire les almanach, ce sont tromperies, et aussi d'y aller pour calculer les mouvemens : tu ny entens rien. Et si entendoys quelques principes d'astrologie, tu sçauroys qu'il ne te faudroit sortir de ton estude pour faire les almanachz : car aussi de nostre temps il y ha assez de gens doctes & scavantz, qui nous ont bien calculé le mouvement des viij cielz, mais ce sont matieres trop obscures pour ton cerveau, car il est certain que tu ne scays calculer ny au ciel, ny par tables aucunes." (Declaration des abus ignorances & seditions de Michel Nostradamus, 1558 ; Brind'Amour, 1993, p. 72)

[28] Chez certaines personnes souffrant de dyscalculie l'opération 2+2=5 n'est pas toujours considérée comme improbable, alors que 2+2=9 l'est. Cela tient aux possibilités de calcul approximatif traitées au niveau du cortex pariétal, incompétent au niveau verbal (Dehaene, 1991-97-99, 2004 ; Stanescu, 2001 ; Lemer, 2003). Or, on sait depuis quelque temps (cf. mon résumé) que Nostredame a laissé une trace de sa dyscalculie dans son Orus Apollo : « Comment taciturnité/ Signifier voulant tayre ou silence/ Qui est l'effect de taciturnité/ Ilz escripvoyent ung nombre en aparence/ Mil quatre centz et quinze bien compté/ Qui est le terme sens rien soy mescompter/ D'ans troys complis constitués au sens/ Supputant l'an nombre de jours troys centz/ Soixante et cinq que l'enfant son langaige/ Vient prononcer car devand de ce temps/ Sa langue n'a de parler bon usaige. » Ce qu'il traduisait – à sa façon – du grec « Πῶς ἀφωνίαν. Ἀφωνίαν δὲ γράφοντες, ἀριθμὸν ,α΄·Ϟ΄·ε΄ γράφουσιν, ὃς τριετοῦς ἐστι χρόνου ἀριθμός ἐκ τριακοσίων ἑξήκοντα πέντε ἡμερῶν τοῦ ἔτους ὑπάρχοντος, ἐφ’ ὃν χρόνον μὴ λαλῆσαν τὸ παιδίον σημειοῦται ὡς παρείπετο διαμένον τῇ γλώσσῃ ». Sachant que " alpha koppa epsilon" est une écriture pour "mille nonante cinq" au lieu de "mille quatre-vingt quinze", on voit ici qu'en ayant mis "quatre cents" (tetra-kosioi) pour "quatre-vingts" (tetra-eikosi), l'auteur est atteint d"une dyscalculie expressive et lexicale plus qu'arithmétique et perceptive, les deux mots grecs ayant une prononciation si proche qu'un enfant de trois ans pourrait les confondre.

[29] "le tout à esté calculé par le cours celeste, par association d'esmotion infuse à certaines heures delaissées, par l'esmotion de mes antiques progeniteurs [...] ayant supputé & calculé les presentes propheties, le tout selon l'ordre de la chayne qui contient sa revolution le tout par doctrine astronomique, & selon mon naturel instinct" (Lettre à Henry Second, p. 7, 17) ; "Quant à mon jugement, je suys le droict sentier de verité, jouxte que les anciens ont descrit, ensemble un certain instinct naturel de mon genius bonus que j'ay receu de mes avites" (Almanach pour 1565, Brind'Amour, 1993, p. 98) ; "il avait receu comme de main en main la connaissance des Mathématiques de ses antiques progéniteurs " (Leroy, 1972-93 ; p. 57) ; "Haec calculata est à me triplici via, Indorum scilicet, Babyloniorum, et mea consueta, ... Revolutiones autem duplici confectae sunt calculo, Babylonico et meorum avorum : [cet horoscope], je l'ai calculé selon trois méthodes, celle des Indiens, des Babyloniens et la mienne, ... Quant aux révolutions, elles ont été calculées selon la méthode des Babyloniens et celle de mes ancêtres." ; "Itaque confeci ipsius genituram meo more et Indico et omnium Astronomorum : J'ai terminé son horoscope, calculé selon ma méthode, celle des Indiens et celle de tous les astronomes" (Dupèbe, 1983 ; Lettre à H. Rosenberger, p. 94, Lettre à L. Tubbe, p. 131)

[30] Cf. Festus : ALIUTA antiqui dicebant pro aliter, ex Graeco id ἀλλοῖως transferentes ; Hinc est illud in legibus Numae Pompili : « Si quisquam aliuta faxit, ipsos Jovi sacer esto ». Les anciens employaient ce mot pour aliter (autrement ) ; ils l'empruntaient au grec ἀλλοῖως. De là cette expression des lois de Numa Pompilius : « Si quelqu'un fait autrement, qu'il soit voué à Jupiter ». (De la signification des mots, Trad. A. Savagner, Ed. Panckoucke, 1846).
– Cf. Tite-Live : "... quod uer attulerit ex suillo ouillo caprino bouillo grege quaeque profana erunt Ioui fieri, ex qua die senatus populusque iusserit. Qui faciet, quando uolet quaque lege uolet facito; quo modo faxit probe factum esto. Si id moritur quod fieri oportebit, profanum esto, neque scelus esto. Si quis rumpet occidetue insciens, ne fraus esto. Si quis clepsit, ne populo scelus esto neue cui cleptum erit. Si atro die faxit insciens, probe factum esto. Si nocte siue luce, si seruus siue liber faxit, probe factum esto. Si antidea senatus populusque iusserit fieri ac faxitur, eo populus solutus liber esto" : "...ce que le printemps aura apporté aux troupeaux de porcs, de moutons, de chèvres, de boeufs et qui n'aura pas été déjà consacré à une divinité, sera sacrifié à Jupiter, du jour où le sénat et le peuple l'auront ordonné. Celui qui le fera, qu'il le fasse quand il voudra et suivant la règle qu'il voudra ; comme il l'aura fait, que ce soit bien fait. S'il meurt l'animal qu'il faut sacrifier, qu'il soit tenu pour non consacré, et que ce ne soit pas là une faute religieuse ; si quelqu'un le tue ou le fait périr, sans le savoir consacré, qu'il n'en éprouve pas de dommage ; si quelqu'un le vole, que cela ne soit une faute ni pour le peuple, ni pour l'homme à qui on l'aura volé ; si on l'a sacrifié un jour de malheur, sans le savoir, que cela soit bien fait ; qu'il ait été sacrifié de nuit ou de jour, par un esclave ou par un homme libre, que cela soit bien fait ; s'il a été sacrifié avant que le sénat et le peuple l'aient ordonné, que le peuple en soit absolument quitte." (Ab urbe condita, XXII, 10).


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